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L’écoféminisme est de retour !

L’écoféminisme est de retour !

Ce 8 mars 2024, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, est publié le n° 922 de la revue “Critique” (Éditions de Minuit), intitulé L’écoféminisme est de retour. “Fabula”, site de la recherche en littérature, le présente ainsi :

Le terme « écoféminisme » a fait son apparition en français en 1974, dans un livre de Françoise d’Eaubonne qui en formulait ainsi la promesse : « La planète mise au féminin reverdirait pour tous. » L’écoféminisme pointait alors, derrière le capitalisme, l’ombre du patriarcat ; et derrière la lutte des classes, la guerre des sexes. Devenu moins visible au tournant du millénaire, il revient avec une vigueur nouvelle.
« Tremblez ! Tremblez ! Les sorcières sont de retour ! », scandaient les féministes italiennes des années 1970. Le grand retour de l’écoféminisme, associant comme naguère réflexions théoriques, interventions militantes et luttes de terrain, est la bonne nouvelle qu’annonce et illustre le dossier réuni par Germana Berlantini pour Critique.

On en trouvera le sommaire à cette adresse.

Françoise, Élisée Reclus et Félix Guattari à l’honneur

Françoise, Élisée Reclus et Félix Guattari à l’honneur

Nous venons d’entrer dans le mois “lézard,” selon le joli calendrier proposé par Reporterre, qui met à l’honneur plantes, luttes et figures de ce mois.

C’est ainsi que Françoise, née un 12 lézard, compagnonne dans cet article avec la microbiologiste co-autrice de l’hypothèse Gaïa Lynn Margulis (5 lézard), le géographe anarchiste Élisée Reclus (15 lézard) et Félix Guattari (30 lézard), penseur de l’écosophie.

Françoise incarne pour la circonstance les luttes emblématiques de ce mois, dont la manifestation de Sainte-Soline (25 lézard), ou encore, nous le rappelle Reporterre, la première grande manifestation écologique qui s’est tenue 13 lézard 1910 et a réunit 3000 personnes contre une carrière à Cassis.

Quelques évènements à venir

Quelques évènements à venir

MULHOUSE ET SAINT-NAZAIRE : POWER UP

Deux expositions conjointes ont démarré récemment à Mulhouse et à Saint-Nazaire, intitulées Power Up, imaginaires techniques et utopies sociales. Dans celle de Mulhouse, on trouve notamment des archives sur la lutte antinucléaire menée à Wyhl (R.F.A.) au milieu des années 1970, lutte à laquelle Françoise d’Eaubonne a participé en compagnie de Gérard Hof et de moi-même. Pour la clôture de cette exposition, le 28 avril, Isabelle Cambourakis fera une intervention sur Françoise et comparera son parcours et ses positions avec ceux de Solange Fernex, militante de la non-violence. À Saint-Nazaire, l’exposition se tiendra jusqu’au 12 mai.

NANTES : FILM ET RADIO

Le 12 mars (jour de la naissance de Françoise ainsi que celui de notre amie Élise Thiébaut), le documentaire de Manon Aubel, Françoise d’Eaubonne : une épopée écoféministe, dont nous avons eu l’occasion de parler à différentes reprises, sera projeté en présence de la réalisatrice. Rendez-vous à la Maison de quartier du Dix à 20 heures (pour plus de renseignements : quartierfertile@gmail.com).

Notons aussi la diffusion d’une émission sur l’écoféminisme centrée sur Françoise, sur Jet FM le 6 mars à 17 H 30 et sur Jade FM le 8 mars à 13 H.

LION-SUR-MER ET CAEN : PORTRAIT-HOMMAGE À FRANÇOISE

Profitons-en pour rappeler que Flora et Coline Pilet présenteront leur spectacle, Françoise – Une traversée écoféministe, le 11 mars au théâtre universitaire de Caen et le 14 mars à Lion-sur-Mer.

Université de Tours – promotion Françoise d’Eaubonne

Université de Tours – promotion Françoise d’Eaubonne

« La promotion 2023 des docteur-es de l’université de Tours a choisi de prendre le nom de “Françoise d’Eaubonne” », c’est par cette phrase que notre ami Nicolas Lontel, de la bande à d’Eaubonnot, nous a appris le choix fait cette année par l’Université de Tours.

En effet, le vendredi 2 février 2024, la salle Thélème de l’université a accueilli la cérémonie de remise des diplômes de doctorat 2023 – promotion Françoise d’Eaubonne. Cette cérémonie, placée sous le thème de la transformation écologique et sociale, a débuté par un émouvant portrait de Françoise présenté par Cécile Chapon, maîtresse de conférences en littérature comparée et membre du laboratoire ICD (Interactions Culturelles et Discursive). Cette présentation, d’une justesse et d’une précision qui méritent d’être saluées, a inscrit la pensée et les combats de Françoise dans nos temps actuels caractérisés par la crise non seulement climatique mais du vivant dans son ensemble et par le développement des autoritarismes.

Signalons également que la remarquable contribution d’Élise Thiébaut (L’Amazone verte) à la résurgence de l’œuvre de Françoise a été soulignée avec opportunité lors de ce portrait.

Nouveautés 2024 : “Le sexocide des sorcières” en italien

Nouveautés 2024 : “Le sexocide des sorcières” en italien

L’année 2024 commence avec une nouvelle parution en italien des œuvres de Françoise d’Eaubonne : Le Sexocide des sorcières sera disponible ou en commande dans toutes les librairies et sur le site Prospero Editore à partir du 7 mars.

La première présentation aura lieu le 16 mars 2024 à 17 h 30 à la bibliothèque municipale de Novate Milanese (MI), Villa Venino, L.go Padre A. Fumagalli, 5 – ENTRÉE GRATUITE.

“Mais l’allergie à l’Autre est toujours là, sous cette forme sexuelle ou raciste qui fit le malheur d’un monde dit civilisé. C’est pourquoi il n’est pas inutile d’en dénoncer la persistance insalubre, ne serait-ce que pour l’évocation d’aussi anciens massacres dont les germes sommeillent plutôt que d’avoir disparu.”

(Françoise d’Eaubonne, Le Sexocide des sorcières)

Autobiographie d’un poulpe

Autobiographie d’un poulpe

1984. Hubert Reeves (qui, hélas, nous a quittés récemment) publie Patience dans l’azur, succès à 1 million d’exemplaires alliant la solidité scientifique à l’illustration la plus vivifiante. Nous avons eu grâce à lui des débats passionnés, Françoise et moi (tout comme Françoise et Alain), qui le seraient tout autant autour de L’Autobiographie d’un poulpe de Vinciane Despret.

Autrice d’une vingtaine d’ouvrages depuis 1996, psychologue et philosophe, plus précisément philosophe des sciences par passion pour l’éthologie, sa rigueur est égale à son audace dans son travail de recherche. Sa très belle plume lui donne une rare capacité à se dé(anthropo)centrer, avec un sens du merveilleux affirmé lorsqu’elle évoque “l’écriture kinétique chorale des manchots Adélie, la poésie initiatique chez la luciole et l’épopée labyrinthique chez le surmulot“.

L’Autobiographie d’un poulpe, visionnaire, nous raconte ce que pourraient êtres les relations inter-espèces dans un monde où les êtres vivants non humains cesseraient d’êtres traités comme des conglomérats génériques, leurs individualités enfin reconnues.

Nous savons, grâce aux fabuleuses avancées (redécouvertes ?) de ces deux dernières décennies, que les autres animaux, puisque Sapiens en est un aussi, ne sont pas plus que nous uniquement conditionnés par des réflexes pour l’obtention un avantage fonctionnel. Chimpanzés, papillons, poulpes, pinsons, araignées… ont une vie personnelle au-delà de la réponse mécanique : le propre de l’homme est certainement cette faculté de croire que l’homme aurait quelque chose en propre, qui n’appartiendrait qu’à lui. Ici, le masculin universel prend tout son sens, tant “le propre de l’homme” fleure bon le  patriarcat suprématiste.

Entre toutes les formes d’être-au-monde, les différences sont une question de degré et non d’essence. Ceci est posé dans notre culture depuis Darwin pour le moins, mais c’est en fait un savoir en acte, oublié, depuis l’aube de notre espèce. La Genèse nous a dit que nous sommes à l’image de Dieu, conçus pour dominer la création. La révolution intellectuelle de l’Époque Moderne a posé le couvercle en déniant à ce qui n’est pas humain la capacité d’être autre chose qu’une simple mécanique horlogère. La philosophie du 18ème a cloué le cercueil, définissant l’homme comme être moral (Kant), étant entendu qu’il est le seul. Elle a rationalisé au passage le progrès et la mainmise sur “la nature” qui nous serait extérieure, destinée à être exploitée (ou protégée aujourd’hui, ce qui relève du même paradigme). Cette “nature” conçue comme un surdéterminant sensé justifier les dominations n’est aujourd’hui qu’ignorance, étroitesse d’esprit, paresse de la pensée et conformisme.

C’est ce dont traite, sur un autre mode, l’Autobiographie d’un poulpe, qui nous rappelle que 80 primatologues ont publié en 2016 une déclaration commune pour ouvrir un nouveau champ scientifique, l’archéologie des primates. Depuis, l’on sait que, entre autres, les chimpanzés assemblent des cairns, auprès desquels ils viennent se livrer à des rituels. Depuis,  l’on a cessé de prêter aux toiles d’araignées la fonction exclusive et réductrice de pièges à mouches pour comprendre que c’était aussi un réceptacle vibratile et un support pour des danses complexes qui ne sont pas justifiées par le déplacement vers l’insecte piégé. Les exemples pourraient être multipliés ad libitum.

L’Autobiographie d’un poulpe est avant tout un traité de littérature, comme signe que livre au monde le vivant dans sa jubilation à exister. C’est “la thérolinguistique :… spécialisée dans l’étude des forme littéraires chez les animaux et les plantes“. Car, non, nous ne sommes pas les seuls à écrire. Viendra le jour où “la poésie passive de l’aubergine” et “le roman tropique du tournesol” nous seront enfin accessibles, lorsque nous serons sortis de nos catégorisations trop étroites pour accéder à “la traduction des traces du non visible et du non audible”.

Et c’est aussi une suite à La Trilogie du Losange de Françoise. Son procédé d’écriture (rapports de comités scientifiques et déclarations officielles d’un futur proche,  saluant “la Ministre de la Culture Multispécifique“) renvoie au journal des Ouranautes du Satellite de l’Amande, aux rapports faits au Collège d’Émeraude et aux coupures de presse de la Bibliothèque Mondiale des Bergères de l’Apocalypse. Les sciences que propose Vinciane Despret, géolinguistique, théolinguistique, théoarchitecture…, auraient toutes leur place dans le monde que Françoise fit advenir.

Ces sciences ne pourront pleinement se déployer, et avec elles les communautés intercessives imaginées, que lorsque, comme le disait Françoise, “les hommes et les femmes, enfin débarrassés de leurs erreurs, cesseraient de se rechercher comme des contraires“, leur laissant la disponibilité de se décentrer de leur réalité d’espèce dans un monde où il ne serait pas absurde de se demander dans une assemblée, comme le faisait les Wendats, “qui parlera pour le loup ? ” En attendant que nous puissions (re ?) comprendre la pleine signification des pistes tracées par elleux, que Baptiste Morizot envisage comme une écriture, justement.

L’Autobiographie d’un poulpe est un livre profondément écoféministe, et plus encore un livre dont le futur serait ce temps où l’écoféminisme appartiendrait au matrimoine de l’humanité, étant une étape franchie qui nous aurait enfin remis sur le chemin que nous n’aurions jamais quitté si la peste sociale qui sévit depuis plus de 5000 ans, que nous nommons patriarcat/Pouvoir, avait été jugulée.

De la métrique vibratoire des pulsars au “roman policier du coquelicot aux prises avec les phytosanitaires“, tout est affaire de littérature, de danse et de chant : poussières d’étoiles.