1964 : Chienne de jeunesse

Paris, Julliard, 376 pages.

Ce premier tome de ses mémoires revisite son enfance, jusqu’en 1944. Il s’ouvre sur le Vert paradis où le Jardin tient une place prépondérante, comme œuvre achevée de Dieu sur terre. C’est “l’état naturel d’un enfant aimé, bien nourri, en contact immédiat avec la nature“.

Puis vient, avec le déménagement à Toulouse, Le temps de l’ennui. La crise économique des années 30 a paupérisé la famille d’Eaubonne, et le manque de tout (“Ah ! Ces enfants qui ont toujours faim !“, se lamentait leur mère) pèse tant sur ses parents que disparaît aussi la tendresse filiale. Ce temps de l’ennui est  un étouffement insupportable pour l’âme ardente de la petite Françoise qui trouve refuge et consolation dans les livres, l’écriture et le spectacle du monde dont quelques ahurissants spécimens fréquentent la maison, comme le mythomane Christian, l’un de ses personnages principaux dans Le Quadrille des Matamores. Pour autant, ces restrictions ne l’ont pas préparée à ce qui suivra après une brève parenthèse heureuse : la guerre est déclarée.

Dans son Toulouse privé de tout, avec des parents peu débrouillards pour faire face, elle connaîtra la faim – la vraie – et le froid, (qui auront raison de son père et de sa grand-mère) comme tant d’autres de sa génération. Elle recevra de plein fouet la révélation des camps de la mort, qui sont au-delà de l’horreur. Mais elle connaîtra aussi la Résistance, les solidarités des pauvres, et son premier vrai contrat littéraire.

De ce creuset, émergera une Françoise débarrassée du moralisme puritain et des convenances illusoires, bien décidée à crier “Jusqu’au dernier souffle, jusqu’au dernier râle, jusqu’au peloton de fusils ou au ronron de la veillée funèbre  : je vous emmerde !