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L’écoféminisme entraîne des remous généalogiques

Par Alain

Fils adoptif de Françoise, heureux de contribuer à faire vivre sa pensée et son œuvre.

Publié le 10/04/2022

Le site Fabula, lieu de ressources et de rencontre destiné aux chercheuses et chercheurs du domaine des études littéraires, vient de publier en ligne une parution intitulée Écoféminismes : récits, pratiques militantes, savoirs situés, dirigée par Magali Nachtergael (professeure en littérature française, Université de Bordeaux-Montaigne) et Claire Paulian (docteure en littérature comparée, Université de Paris-Sorbonne). Ce numéro est ainsi présenté :

Connaissant un regain à la fois théorique, militant et narratif, l’écoféminisme n’est pas à la mode, il est de retour. Lorsque Françoise d’Eaubonne forge le terme dans “Le Féminisme ou la Mort” en 1974, elle saisit ce qui désigne à la fois une urgence politique et de possibles modes de vie alternatifs qui surgissent de façon convergente au sein des mouvements féministes et écologistes. Aux États-Unis, dans les années 80, c’est à travers la figure de Starhawk ou de celle de la wicca (1), qui incarnent une conception plus spiritualiste, que le mouvement se pluralise tout en ouvrant à des frictions avec le féminisme matérialiste ou avec des imaginaires apocalyptiques. En croisant pratiques, récits et discours militants, le présent volume propose une ouverture sur des aspects divers, mais non exhaustifs, de l’écoféminisme aujourd’hui.

Dans l’introduction de ce travail, titrée Prise et reprises de l’écoféminisme en France, Magali Nachtergael et Claire Paulian précisent que ce numéro, Écoféminismes : récits, pratiques militantes, savoirs situés,

a pour originalité (…) de présenter outre des études de sites militants et une analyse ethnographique croisée, de nombreuses analyses d’œuvres littéraires et artistiques. Il participe à un « moment » et un désir particulier : celui de connecter la lecture, la réception, l’écriture en situation académique à des préoccupations écologiques et féministes de transformation du monde.

Après avoir recensé les divers travaux portant sur l’écoféminisme parus ces dernières années en France, les deux autrices s’attachent à souligner l’apport fondamental de Françoise :

Paru sous la plume de Françoise d’Eaubonne, le terme d’écoféminisme permettait d’ouvrir un champ d’investigation et de montrer la corrélation qu’il y avait entre, d’une part, l’imaginaire permettant l’exploitation mortifère de la nature et, d’autre part, l’imaginaire permettant l’exploitation des femmes. En 1974, dans “Le Féminisme ou la Mort” (…), Françoise d’Eaubonne, militante féministe et antinucléaire, entendait rappeler qu’une analyse des présupposés idéologiques menant à la dévastation de la nature et au risque nucléaire ne saurait être décorrélée des présupposés menant à l’exploitation des femmes. Il n’y aurait donc pas d’écologie transformatrice du monde sans féminisme.

Magali Nachtergael et Claire Paulian analysent ensuite les résistances culturelles que rencontre l’écoféminisme en France, résistances « que l’on peut situer dans une tradition féministe rétive à prendre en considération l’idée de la nature ». Pour les chercheuses,

Ce n’est pas tant la naturalité du lien à la nature qui est revendiquée, qu’une certaine culture du lien à la nature, passant par la reconnaissance fondamentale d’une dépendance des humains vis-à-vis de leur environnement et des autres espèces vivantes.

Une autre critique souvent formulée à l’égard de l’écoféminisme est ce qui touche à la spiritualité, notamment la spiritualité New Age, les images de sorcières ou de prêtresses wicca, et qui proviennent essentiellement de la culture états-unienne. En France, selon Jeanne Burgart Goutal,

L’émancipation politique passe (…), au contraire, par la critique de la superstition ; à rebours, l’élaboration de nouveaux rites et superstitions, aussi accompagnatrices, médiatrices et soutenantes soient-elles, apparaît comme un signe de régression.

L’écoféminisme est un mouvement de pensée collective, qui bouge et entraîne des remous généalogiques

Pour Magali Nachtergael et Claire Paulian,

La dimension spiritualiste de la wicca écoféministe peut se comprendre depuis un autre point de vue que celui de ses points de friction avec un féminisme matérialiste, en France ou ailleurs. Ainsi, pour Isabelle Stengers et Anne Querrien (2017), Starhawk n’est pas d’abord une prêtresse New Age typiquement californienne mais une remarquable praticienne de l’intervention pacifiste en situation de conflit.

D’où la question que se posent les autrices : « Comment faire avec cette multiplicité d’accentuations, ces possibles chevauchements ? » Il s’agit pour elles

d’aborder l’écoféminisme non comme l’expression d’une pensée unitaire, ou d’une école de pensée, mais comme « une prise sur le monde », prise faite d’un ensemble de pratiques, de textes, hétérogènes, écrits dans des contextes différents et souvent militants par des autrices socialement différemment situées – même si elles ont toutes fait des études.

Il ne s’agit pas de parler d’une même voix mais de faire

entendre des dissonances, des divergences d’accents, des chevauchements qui ne relèvent pas du clivage ni de la dissension tant que les femmes qui les portent s’efforcent avant tout d’agir ensemble pour un monde plus viable et plus juste, pour une économie plus vivrière.

C’est la raison pour laquelle le mot “écoféminisme” est mis au pluriel dans l’intitulé Écoféminismes : récits, pratiques militantes, savoirs situés, « non pour conflictualiser ce mouvement de pensée mais plutôt pour insister sur sa dynamique ».

Un des textes de cette édition, titré Rachel Rosenthal, une artiste écoféministe de la performance, fait référence à plusieurs reprises à l’ouvrage de Françoise Les Femmes avant le patriarcat (1976).

(1) Mouvement religieux d’abord confiné à un cercle restreint, la wicca s’est progressivement développée dans les pays anglo-saxons où elle constitue la principale forme de néopaganisme New Age.

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