Au début des années 1970, Gérard Hof est externe puis interne à l’hôpital psychiatrique du Vinatier (Lyon). Là, « il tente rapidement de subvertir les méthodes encore trop orthodoxes de ses (…) collègues par la mise en place d’ateliers corporels directement inspirés de [l’]expérience théâtrale » qu’il avait acquise à Lyon au Théâtre de la Rue – lequel pratiquait « le théâtre populaire et le Living Theatre, théâtre politique issu des mouvements contestataires états-uniens » (*). Avec des patient-es et des infirmier-ères, Gérard fonde alors le Comité de lutte du Vinatier, qui remet radicalement en question la relation patient-te/soignant-te, l’abrutissement aux neuroleptiques ainsi que le pouvoir des psychiatres.
Gérard Hof est inspiré par les théories et les pratiques du SPK (Collectif socialiste de patients), de Heidelberg (RFA), pour lequel la maladie n’est pas un état dont on peut se rétablir, « la santé ayant pour unique but le retour aux capacités productives de la personne en système de production capitaliste » (cf. Faire de la maladie une arme). Le Comité de lutte s’insurge contre ces notions – maladie, santé – et contre les pratiques de la discipline psychiatrique, laquelle est « fondamentalement attachée à une visée de réintégration des individus aux logiques du travail, que ce soit dans l’hôpital, via l’ergothérapie, ou en dehors ». Le pouvoir médical réagira par une répression qui amènera Gérard à laisser tomber la psychiatrie.
En 1976, dans son livre Je ne serai plus psychiatre, Gérard Hof relate, sur un ton mordant et percutant, cette lutte qui visait aussi l’industrie pharmaceutique, et ce sera semble-t-il la dernière fois qu’il agira dans ce domaine. Il se tournera dorénavant vers la lutte anti-carcérale (autre forme de lutte contre l’enfermement) et contre la destruction des conditions de la vie sur notre planète (réchauffement climatique, disparition d’un nombre inquiétant d’espèces animales et végétales, empoisonnement des sols par l’agro-chimie, déploiement des centrales nucléaires…), en compagnie notamment de Françoise d’Eaubonne. Celle-ci demeurera le restant de sa vie très proche de Gérard Hof, son dernier grand amour.
Les Éditions Météores (Bruxelles) viennent de rééditer ce livre devenu introuvable et l’ont enrichi d’une préface de Renaud-Selim Sanli (éditeur) et de la reproduction d’un certain nombres d’archives. Pour la sortie de cette réédition, une rencontre s’est tenue le 28 novembre dernier à la librairie L’Atelier dans le 20e arrondissement de Paris, en présence de Renaud-Selim, de Treize (slameuse et rappeuse, autrice de Charge, un texte antipsychiatrique) et de moi-même. La soirée a réuni une quarantaine de personnes et a permis de belles rencontres.
(*) Toutes les citations de cet article sont extraites de la préface de Renaud-Selim Sanli à la réédition.
Super article, mon frère, bravo ! J’ai suivi le lien vers Treize, l’autrice de Charge, je l’ai écouté un peu, comme un écho à Casey, la semaine dernière… je vais relire avec beaucoup d’intérêt le livre de Gérard.